Miuri Mishima-Sauvé est toujours la première enquêtrice à se pointer au poste. Élevée et instruite au Japon, elle ne s’est toujours pas habituée à la philosophie nord-américaine où le travail n’est qu’un élément de l’existence parmi d’autres. Mais elle doit admettre qu’elle aime le Québec et apprécie particulièrement ses collègues pour leur façon de profiter de leur temps libre afin de se ressourcer et de stimuler leur créativité… même si cela signifie qu’ils sont parfois en retard. Mais ce matin, personne ne l’est, car la veille l’avorteur a frappé pour la troisième fois. Dans sa tête, Miuri revoit la cuisine d’un blanc stérile – comme une morgue ! –, la femme couchée sur le dos, poignets ligotés aux pattes de table, robe de chambre remontée jusqu’à la taille, cuisses ouvertes sur un océan de sang… et toujours cet ange de plâtre, une aile brisée mais le visage serein, en guise de signature. Miuri sait qu’en Occident le droit à l’avortement soulève les passions et que même des personnes qu’elle aime et respecte, comme son collègue Jacques, sont férocement contre. Or, ce qui la turlupine, c’est l’illogisme du faiseur d’anges : pourquoi avorte-t-il de façon aussi sauvage des femmes qui avaient déjà choisi d’opter pour cette procédure ?.