On ne l'a pas assez dit : Friedrich Nietzsche était un excellent pianiste, doué pour l'improvisation. Il a composé lui-même des lieder, des sonates et des poèmes symphoniques. Pour lui, la vie ne se justifiait qu'en tant que phénomène esthétique. Mais qu'est-ce que l'esthétique, dans sa bouche ? - La musique. Il se déclare musicien avant tout, et c'est parce qu'il est musicien qu'il peut se dire philosophe. À ses yeux, la musique salvatrice n'est plus la grande musique allemande, celle de Bach ou de Beethoven, qu'il admire ; ce n'est surtout pas la musique de Wagner, qu'il a fini par exécrer. Non, cette musique d'avenir se veut méditerranéenne ; elle n'est pas à chercher dans des partitions futures, mais dans les anciens choeurs antiques et dionysiaques - dont toute trace est disparue. L'utopie de Nietzsche semble extravagante ; lui-même ne pouvait que s'y perdre. Néanmoins, il est bon de se remémorer son combat héroïque contre le wagnérisme et le nihilisme, et combien ce combat lui a coûté, au terme d'une vie émouvante et tragique..