Neuf ans après la mort de ma fille, j'ai tenté, à partir de mes journaux intimes de l'époque, des faits et des dates qu'il me restait, de recomposer l'histoire de la courte vie de Laurence, afin de raviver mes souvenirs. Mais plus j'écrivais, plus je prenais conscience de ce qui avait échappé aux traces, et de ce qui n'existait plus que pour moi. Laurence avait quitté notre monde depuis neuf ans, elle avait déjà commencé à s'effacer de la réalité, et le fait de penser qu'elle s'effaçait maintenant de ma mémoire - la mémoire de sa mère - m'a fait réaliser que j'allais disparaître un jour de la mémoire des autres, et que j'emporterais alors Laurence avec moi dans l'oubli. Tourmentée par cette idée, je suis partie à la recherche d'autres qui ont dû, comme moi, affronter la mort, dans l'espoir de trouver comment faire survivre ceux qui nous quittent. - Valérie Carreau