Marta Abba, femme de théâtre, ouvre la marche ; Zouc, sa consoeur, la ferme, voisinant avec la reine Zénobie et Clara Zetkin : indice de la diversité de la longue colonne des « femmes mémorables » (plus d'un millier), objet de ce livre. Outre celles que le récit conventionnel du passé avait retenues - Clotilde, Jeanne d'Arc, Aliénor d'Aquitaine ou Catherine de Médicis - , on y croise des comédiennes, photographes, peintres, écrivaines, scientifiques, danseuses, musiciennes, sportives, cinéastes, journalistes, politiques, des saintes et des meurtrières. Ni une foule ni un peuple ; plutôt des exceptions, dont l'action a, d'une manière ou d'une autre, brisé la répartition traditionnelle des rôles et des espaces sexuels. Leur point commun : elles prétendaient à l'espace public interdit, surtout dans les domaines de la création. Elles ont reculé, voire franchi les limites habituellement imposées aux femmes. Elles sont des passeuses de frontières, des empêcheuses de tourner en rond dans la sempiternelle chorégraphie répétitive de la sphère privée, zone censée du bonheur. Elles ont parfois renoncé à tout concilier dans l'obscurité du quotidien. Elles ont ouvert des chemins de traverse. Elles ont osé. À ce titre, elles sont mémorables.
Michelle Perrot.