Un psy en chute libre
«?Par-delà le lien des livres à une communauté littéraire, sociale, politique, ce qui me touche le plus, si je suis aussi franc avec le lecteur qu’a réussi à l’être cette femme avec moi, c’est la joie de retrouver une solitude habitée, qui n’est même pas une relation à moi-même ni au lecteur, mais une relation avec absolument rien, le rien lui-même. Paradoxalement, la relation la plus importante d’une vie. Le “je” de mon écriture ne vise pas tant une autobiographie ou une autofiction qu’il cherche à rétablir la relation avec cette extériorité, pourtant très intime, qui s’apparente au silence cosmique, au trou noir. Cette patiente avait compris pourquoi elle était si bien avec son amoureux : ils se laissaient tous les deux vivre librement, chacun de leur côté, cette liaison dangereuse au rien du tout. Infidélité de fond qui les liait avec force et constance. Cela ne s’explique pas. Ils étaient liés par ce qui ne se partage pas. Le soir même, en rentrant chez moi, j’ai longuement regardé en silence ma blonde créer sur la table de la salle à manger un projet artistique qu’elle ferait faire à ses élèves. C’est ce qui participe au fait que je suis dans un couple qui n’a pas connu de panne de désir depuis vingt-quatre ans. Ma blonde au cœur pur m’a d’ailleurs déjà avoué que ce qu’elle aimait le plus chez moi, c’est que je me parle tout seul?; elle remarque que mes yeux, mes sourcils, mon visage au complet sont parfois animés d’une intense discussion avec absolument personne.?». Cet extrait témoigne déjà, en lui-même, de l’intérêt de lire Nicolas Lévesque, qui donne ici suite à son dernier livre Phora, racine grecque qui signifie «?porter?», avec ce nouvel opus intitulé Ptoma, qui signifie «?tomber?». Au fil de fragments sur sa pratique de psy et ses interventions dans l’agora, il fabrique sans langue de bois des réflexions incarnées sur le temps, l’amour, l’art, la pandémie, le deuil et le rêve. Une œuvre d’une bouleversante humanité..