Au Canada, contrée hivernale s'il en est, on appelle le « vol de l'ange » cet instant où marcheurs ou patineurs, ayant tout à coup perdu pied sur la glace, se mettent à battre des bras pour recouvrer l'équilibre. Gigue involontaire qui suscite l'admiration si l'on arrive à reprendre pied ; risées humiliantes et injustes si l'on tombe. On me dira que l'expression n'est pas très répandue, et pour cause : c'est moi qui l'ai inventée. Tout comme l'essentiel de ce roman. Ce qu'il y a d'authentique ici, en revanche, c'est le rituel de la mise aux enchères des enfants et des âgés qui se pratiquait au Nouveau-Brunswick de 1875 à 1925, dans ces eaux-là. Cette tradition, inhumaine à première vue, avait du bon, paraît-il : les démunis, orphelins ou vieillards, évitaient ainsi l'orphelinat ou l'hospice, lieux peu recommandables à l'époque, et trouvaient un toit et du travail ; pour leur part, les fermiers y gagnaient une main-d'oeuvre bon marché. D. P.À partir de cette prémisse historique, Daniel Poliquin tisse un roman qui est une joyeuse méditation sur l'identité et sur le suprême voyage que constitue l'existence. Une traversée picaresque de l'Acadie d'autrefois, en compagnie d'un protagoniste au charme irrésistible, un orphelin mis aux enchères et qui se retrouve dans la même situation à la fin de sa vie.