Je devais avoir neuf ans quand j’ai découvert la déchirure dans le flanc du monde. Je descendais ma rue pour me rendre à l’école. Dans ce temps-là, en bas de la rue, on tournait à droite pour prendre une piste de gravier. Elle traversait une petite friche parsemée d’herbes piquantes ; je crois que, depuis, c’est devenu le stationnement d’une boulangerie. Je marchais sur le sentier, j’ai fait un pas de côté et j’ai mis le pied dans une fente métaphysique. Je me suis retrouvé ailleurs, dans une cité en ruines. Des murs noirs tenant à peine debout, des moulures en pierre encadrant des fragments de vitraux, des voûtes en ogive à moitié effondrées : l’ensemble avait une allure désolée mais poétique qui, même à mon jeune âge (ou peut-être en raison de mon jeune âge), m’a profondément impressionné..